News Construction RSE Bien etre travail Valoriser collaborateurs

Regards croisés sur le genre dans la construction

Nathalie Muller, 
invitée à la table ronde
du MEGA et de l’ILNAS


Le 10 octobre 2025, le Forum Da Vinci à Luxembourg a accueilli la conférence « Perspectives du genre dans le secteur de la construction », organisée par le Ministère de l’Égalité des genres et de la Diversité (MEGA) et l’Institut luxembourgeois de la normalisation, de l’accréditation, de la sécurité et qualité des produits et services (ILNAS). 

Cette conférence a réuni des intervenants issus de la recherche, du monde académique, des institutions publiques et de l’ingénierie, venus croiser leurs regards sur les obstacles à l’égalité dans un secteur encore majoritairement masculin.

La ministre de l’Égalité des genres, Yuriko Backes, a ouvert la séance. Ont suivi des interventions de Carmen Niethammer (Banque européenne d’investissement), Dr César Reyes Nájera et Tom Becker (Université du Luxembourg), ainsi que Victoria Mletzak (ILNAS).

Autre moment fort de l’après-midi : une table ronde interdisciplinaire réunissant Michelle Friederici (FG architectes, OAI), Annick Rock (Ministère du Logement), Christophe Reuter (Ministère de la Mobilité), Ann Muller (LUGA) et Nathalie Muller, ingénieure et administrateur chez Schroeder & Associés. Cette dernière a livré un témoignage dense et incarné, riche de réflexions personnelles sur la féminisation du secteur.
 

« On parle de mixité, 
mais les métiers 
restent très genrés »

Nathalie Muller n’a pas éludé les tensions entre avancées réelles et résistances persistantes. « Il y a une progression claire de la présence des femmes dans la construction, notamment dans certains domaines comme les bureaux d’études ou l’urbanisme. Mais sur chantier, dans les fonctions techniques très spécialisées, elles restent encore trop peu nombreuses. On parle souvent de mixité, mais dans la réalité, beaucoup de métiers restent très genrés. »

Elle rappelle que, malgré quelques signes encourageants, la part des femmes dans le secteur reste faible. « En Europe, on estime que les femmes représentent environ 10 %¹ des effectifs dans la construction, un chiffre qui traduit bien les défis à relever. Au Luxembourg, la proportion de femmes dans les métiers scientifiques et techniques est plus élevée, mais reste encore limitée. Ce constat amène à s’interroger : pourquoi ces professions continuent-elles d’attirer majoritairement des hommes ? » 

Au sein de Schroeder & Associés, les dynamiques internes témoignent d’une évolution positive, même si du chemin reste encore à parcourir. « Dans mon service ‘Mobilité, Développement urbain et Infrastructures de transport’, nous comptons aujourd’hui 32 % de femmes. D’autres équipes, comme celle du service ‘Eau & Assainissement’, atteignent même plus de 40 %. Ce sont des chiffres encourageants qui montrent que l’évolution est possible, à condition d’agir sur l’attractivité des métiers et de favoriser un environnement de travail inclusif. »

 

¹ European Builders Confederation
https://www.ebc-construction.eu/news/women-in-construction-state-of-play-on-international-womens-rights-day-2024/

« La question, ce n’est pas 
la compétence, c’est la légitimité »

Revenant sur son propre parcours, Nathalie Muller a mis en lumière l’impact des stéréotypes sur les débuts de carrière. « Lors de mon tout premier stage sur un chantier, je n’étais pas prise au sérieux. C’est une situation classique, malheureusement. On pense que vous êtes là pour observer, pas pour faire. Il faut insister pour qu’on vous donne des responsabilités, prouver davantage. Ce n’est pas la compétence qui manque aux jeunes femmes, c’est la légitimité qu’on leur accorde. Et cette légitimité, elle se construit dans le regard des autres, mais aussi dans la confiance qu’on nous donne très tôt. C’est pour cela que les stages et le mentoring sont fondamentaux. » Elle souligne aussi l’importance d’un environnement professionnel qui accompagne et valorise. « Chez Schroeder & Associés, j’ai été soutenue dès le départ. On m’a confié des projets, on m’a donné les moyens de progresser. Ce n’est pas anodin. Dans un environnement exigeant mais bienveillant, on peut évoluer sans avoir à prouver trois fois plus que les autres. »

« Il faut aller dans 
les établissements scolaires, 
parler aux jeunes filles »

Convaincue que les choix d’orientation se jouent très tôt, Nathalie Muller plaide pour des actions ciblées dans les établissements scolaires. « J’ai moi-même découvert les métiers de l’ingénierie grâce à un Girls Day. Ce n’est pas un hasard : quand on vous montre des parcours concrets, ça peut faire naître une vocation. Il faut multiplier ces moments de témoignage. Pas seulement des présentations de métiers en mode PowerPoint. Il faut des visages, des récits, des personnes auxquelles les jeunes peuvent s’identifier. »

Elle cite également les initiatives internes de son entreprise, comme la Women’s Night, conçue pour favoriser les échanges entre femmes de différents niveaux d’expérience. « La Women’s Night, c’est un espace où les femmes peuvent partager, se projeter, se soutenir… Ce n’est donc pas un événement excluant. Il ne s’agit pas d’opposer les genres, mais de donner de la visibilité là où elle manque encore. Parallèlement, les hommes sont pleinement engagés dans d’autres actions mixtes que nous menons chez Schroeder & Associés. L’égalité, c’est un effort collectif, qui se construit avec et pour toutes et tous. »

« La flexibilité ne devrait pas
être un privilège »

Le sujet de l’articulation entre vie professionnelle et personnelle est revenu plusieurs fois dans l’échange. « Beaucoup de jeunes femmes se demandent encore si elles pourront concilier leur ambition professionnelle avec un projet familial. Ce doute, cette surcharge mentale anticipée, est une vraie barrière. » 

Nathalie Muller parle sans détour de sa propre expérience. « Quand je suis devenue mère, je me suis demandé si je pourrais continuer à assumer mes responsabilités professionnelles tout en m’occupant pleinement de ma famille. Ce n’était pas évident. Heureusement, j’ai eu la chance d’être bien entourée, aussi bien au travail qu’à la maison. Mon mari et moi avons toujours veillé à une répartition équilibrée des tâches familiales, ce qui m’a beaucoup aidée. De même, travailler au sein de Schroeder & Associés, où une politique de flexibilité réelle est proposée à l’ensemble des collaborateurs, m’a permis d’organiser mon temps pour rester pleinement dans le jeu. La flexibilité ne devrait pas être un privilège : c’est une nécessité, un levier essentiel pour permettre à chacun·e de concilier vie professionnelle et vie personnelle. »

« Il faut montrer que c’est possible »

En clôture de son intervention, Nathalie Muller a insisté sur la nécessité de rendre visibles les parcours possibles. « L’idée n’est pas de forcer des filles à devenir, si je ‘prêche ma paroisse’, ingénieures. Mais de leur dire que si elles le veulent, c’est une voie qui leur est ouverte. On a besoin de figures, de modèles, de récits inspirants. Il faut montrer que c’est possible. On ne peut pas ‘rêver’ de ce qu’on ne voit jamais. »

Avec 33 % de femmes dans ses effectifs et une politique RH engagée, Schroeder & Associés agit concrètement pour faire évoluer le secteur. Mentoring, interventions dans les établissements scolaires, événements de sensibilisation, promotion de la flexibilité et valorisation des carrières : l’entreprise construit une culture inclusive où les collaborateurs, quels qu’ils soient, peuvent s’épanouir. « Ce que j’ai vécu ici m’a permis de m’épanouir, de progresser, mais aussi de vouloir transmettre. Aujourd’hui, je veux que d’autres femmes puissent se dire : moi aussi, j’ai ma place dans ce métier. »

Crédit photo : S&A - Ministry for Gender Equality and Diversity, Luxembourg